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jeudi 6 octobre 2016

vendredi 15 février 2008

Art du JIPTO

Extraits du livre
G.Tomski, Le JIPTO et le Système JIP, Editions du JIPTO, 2005, 214 p. (ISBN : 2–35175–000–4)

Le plateau du JIPTO avec sa forme de « triptyque vertical », ses zones auxiliaires de l’aspect décoratif et des marges, a été imaginé afin de donner une grande liberté aux créativités des artistes illustrateurs (« jiptographes ») et des sculpteurs de pions. J’ai composé les premiers modèles décoratifs et compositions artistiques de JIPTO en 1988 et continue cette forme de créativité car cela me procure un immense plaisir. Plusieurs versions du JIPTO de formes originales sont réalisées depuis par des artistes-«jiptographes» sous ma direction et en utilisant mes croquis. Parmi les «jiptographes» nous avons de grands artistes comme Afanassi Ossipov, membre de l’Académie des Beaux-Arts de la Fédération de Russie et plusieurs artistes de haut niveau : Motoko Tachikawa (Japon), Briggite Pellerin (France), Susan Kanas (Etats-Unis) et d’autres.






Compositions décoratives. Les croquis du JIPTO ont, avec leurs couleurs vivantes, une valeur esthétique incontestable. Les compositions décoratives du JIPTO sont inspirées par les traditions des différents peuples. Il faut savoir bien choisir et assembler les différents éléments : ainsi les images sur les pions doivent être en harmonie avec le contenu du plateau. Un JIPTO de belle esthétique devient alors un véritable objet d’art et de luxe.


RUNES
© Grigori TOMSKI, 1988-1999





Compositions artistiques. Les JIPTO artistiques représentent souvent l’idée du rapprochement ou du mouvement vers le but. On peut effectuer le rapprochement pas seulement dans l’espace mais aussi dans le temps.

La première composition artistique du JIPTO « Poursuivant » (© Grigori Tomski) a été créée en 1988 et améliorée en 1992. Au centre de la partie «basse» de cette composition on voit les scènes de poursuite inspirées des images des rochers de la Léna. La partie «moyenne» est colorée en bleu et symbolise le voyage dans le temps. Dans le disque central auxiliaire de la partie «haute» sous la lumière du soleil on voit le «poursuivant», un jeune et rapide cavalier des steppes.

Au centre de la partie «basse» du triptyque « Traces sur la neige » (© JIPTO, Grigori Tomski, 1988 ; Jiptographes : Afanassi et Tatiana Ossipov, 1997) on voit un troupeau de rennes dans un paysage austère au pied des montagnes. Sur la partie «haute» les rennes sont dans un endroit avec beaucoup de végétation sous l’abri des arbres. Sur la partie «moyenne» on voit les traces des rennes et leur poursuivant sur la neige en route du pays austère vers les endroits fertiles.
La même idée du rapprochement est exprimée dans le triptyque vertical « Toundra » (© Grigori Tomski, 1988 ; Jiptographe : Tatiana Nikka, 1998) avec une économie de moyens.
La composition « Rivière de savane » (© Grigori Tomski, 1988 ; Jiptographe: Tatiana Nikka, 1997) appartient à une série de plateaux exprimant l’idée du «passage». On dessine les «poursuivants» ou une scène de poursuite dans la partie «moyenne», les «fugitifs» dans la partie «basse» ou dans la zone auxiliaire et les buts de leurs déplacements dans la partie «haute» comme dans le JIPTO de rapprochement. Nous voyons sur ce plateau : dans la zone auxiliaire «basse» : cheval, dromadaire, taureau, gazelle, chien ; dans la partie «basse» : savane torride ; dans la partie «haute» : courant d’eau qui attire les animaux ; dans la partie «moyenne» : tigre et lion, éléphante qui promène son bébé.

La composition « Aigle » (© Grigori Tomski, 1988 ; Jiptographe: Briggite Pellerin, 1997) étonne par le jeu des couleurs, vives et fraîches, et par la subtilité de son harmonie.

La poursuite est une des notions universelles : chacun dans sa vie poursuit le bonheur, le savoir, le bien-être, la santé et d’autres objectifs. Les plateaux correspondants sont inspirés le plus souvent des différents courants de l’art moderne. Citons dans cette catégorie les compositions « Magique » (© Grigori Tomski, 1988-2001) et «Univers » (© Grigori Tomski, 1988 ; Jiptographe : Motoko Tachikawa, 1996).







Compositions photographiques. On peut créer des compositions du JIPTO bien harmonieuses avec une ou plusieurs photos. Il est très facile dans ces compositions d’accentuer le « sujet principal » (par exemple, en le plaçant dans le grand cercle d’accélération) qui est une des grandes préoccupations de toutes les personnes pratiquant l’art de la photographie.

MONTMARTRE
© Grigori TOMSKI, 1988-2002







Les JIPTO-Mandalas représentent plusieurs plateaux du JIPTO réunis harmonieusement dans une composition. Ces plateaux sont transformés légèrement à cette fin car ils peuvent subir différentes transformations dans les limites raisonnables.

ESPACE
© Grigori Tomski, 1988


La grande diversité et la qualité des versions artistiques du JIPTO, les personnalités des artistes qui exécutent ces œuvres, l’organisation par la FIDJIP et l’UNESCO des expositions internationales nous permet de constater la naissance de l’Art du JIPTO. Nous constatons aussi que le développement de l’Art du JIPTO augmente l’intérêt pour l’utilisation du JIPTO dans l’éducation artistique..
Licence générale pour l’utilisation du JIPTO à buts non lucratifs accorde la possibilité de créer des compositions du JIPTO artistiques, décoratives et photographiques à tous les amateurs de loisirs créatifs et à buts pédagogiques.


Art du JIPTO

Auteur : Grigori TOMSKI
Editions du JIPTO, 2005, 148 pages, 14 x 20,5 cm

Thème : Comment créer des JIPTO artistiques et photographiques afin de décorer votre appartement et composer des cadeaux magiques personnalisés pour vos amis.

Prix : 25 euros

ISBN : 2-35175-005-5

JIPTO et Créativité littéraire

Extraits du livre
G.Tomski, Le JIPTO et le Système JIP, Editions du JIPTO, 2005, 214 p. (ISBN : 2–35175–000–4)

Plusieurs œuvres littéraires inspirées par les jeux intellectuels ont eu le grand succès : La Défense Loujine de Vladimir Nabokov (1930), Le joueur d’échecs de Stefan Zweig (1943), Le Maître ou le Tournoi de Go de Yasunari Kawabata (1975), etc. Les échecs n’était pas seulement un jeu pour jouer c’est aussi un jeu pour penser et rêver. Ainsi quelques auteurs commencent, dès la fin du XIII siècle, à composer non plus des romans mais de véritables traités qui sont des interprétations morales, juridiques ou philosophiques du jeu d’échecs. Le JIPTO, lui-aussi, commence à susciter une importante créativité littéraire. Il existe ainsi beaucoup de poèmes et de chansons sur le JIPTO créées par les poètes sakhas (Vassili Sivtsev, Ivan Orossounski, etc), russes (Sergeï Platonov, Valeri Krylov, Olga Slessareva etc), français (Myriam Crapart) et turcs (Evin Okçuoglu).

Dans plusieurs pages de son roman N’oublie pas d’avoir peur (Gallimard, 2000), Marc-Alfred Pellerin évoque le JIPTO comme un élément important de la vie quotidienne en Yakoutie. Ce roman a gagné le prix «Sang d’Encre » de 2002.
Le JIPTO apparaît sur l’une des premières pages :
« Yakoutsk. Au siège du Journal de la Jeunesse Sakha. Le journaliste Volodia est seul dans son bureau, comme souvent en début d’après-midi. II a composé un numéro, attend.
À deux blocs de là, dans les locaux de la police judiciaire, Gennadi Orsoniev décroche, sans quitter des yeux l’écran sur lequel cinq rennes sauvages, figurés par de petits cercles blancs, tentent d’esquiver la poursuite d’un loup, figuré par un grand cercle noir. L’inspecteur Gennadi Orsoniev ressemble à l’idée qu’on peut se faire d’un moine mongol ou tibétain, ascétique et lettré. On lui donnerait entre vingt-cinq et trente ans. Son visage émacié, au teint brun, exprime une attention aiguë mais sans malveillance. Il est en train de se demander s’il ne tient pas une variante inédite aux règles du JIPTO. Une suggestion qui mériterait peut-être d’être communiquée au mathématicien Tomski, l’inventeur de ce jeu de poursuite. »
Commence une conversation « codée » dans les termes du JIPTO :
« Après un silence un peu bourdonnant dans le récepteur, une voix demande
- Loup noir?
Le nom de code qu’utilisait le journaliste Volodia Kyseliov pour téléphoner à Gennadi du temps où ils se rencontraient souvent, en amicale complicité.
Le policier fronce les sourcils, répond
- Renne blanc.
Poursuivant leur conversation codée, ils se donnent rendez-vous au club de Jipto. Une fois là-bas, ils feront mine de s’être retrouvés par hasard. »
Le jeu aide à créer une ambiance particulière pour la rencontre de l’inspecteur Gennadi Orsoniev et le journaliste Volodia Kyseliov, à décrire leurs pensées et sentiments :
« Volodia arrive le premier. Le club de JIPTO est au centre de la ville, au rez-de-chaussée d’un immeuble mal construit, mal entretenu, dans l’atelier du vieil Ilya, réparateur de machines à écrire et grand adepte du jeu. Il y consacre d’ailleurs à présent presque tout son temps. A Yakoutsk comme ailleurs, les machines à écrire, même électriques, ne valent plus le prix d’une réparation. Pour l’été, la majorité des écoliers, des lycéens, des étudiants sakhas ont quitté la capitale. Rentrés au village, aider la famille à faire les foins. Dans la grande pièce vide, penché sur son plateau de Jipto le vieil Ilya joue une partie solitaire.
Le journaliste fait semblant de se poser soudain la question. Puis, lentement, comme menant une réflexion
- Si je me souviens bien, c’est la standardiste qui m’a passé ce correspondant. Il aura donc dû donner mon nom. D’un autre côté, j’étais seul dans le bureau. Il a pu demander seulement la rédaction. Je pourrais vérifier.
D’un économe mouvement de tête, Gennadi décline la proposition. Volodia comprend que le policier médite l’information. Un renne blanc de Gennadi franchit la première ligne du territoire gardée par le loup noir. Un point pour Gennadi.
L’inspecteur questionne. Apprend que Lydia Alexandrova, femme de Viktor et soeur de Volodia, est en Ouzbekistan. Que Viktor Alexandrov est, lui-même, en mission aux États-Unis. »
Le journaliste Volodia (« Loup noir »), très excité, ne peut pas se concentrer sur le jeu, il « joue comme un loup ivre » :
« Un second renne blanc échappe au loup noir. Deux points pour Gennadi. Volodia éprouve la désagréable impression que le policier ne le croit qu’à demi. Pour se rassurer, il révise mentalement le scénario qu’il a construit : La Milice enregistre un appel anonyme. Un peu plus tard, lui, Volodia, reçoit, en tant que journaliste, le même message. Même voix, d’ailleurs, au cas où elle aurait été enregistrée par quelque service d’écoute. Lui, Volodia, téléphone alors au père de la jeune fille kidnappée, son propre beau-frère. Puis il met au courant et consulte, à titre personnel, son ami inspecteur. Jusque-là, tout se tient. En supposant que Gennadi désire mener sa propre enquête, il pourrait interroger la standardiste. Qui lui confirmerait la réalité du coup de téléphone, se souviendrait de l’insistance du correspondant. Parfait. Mais, soudain, une bouffée de chaleur monte au visage de Volodia. Si Gennadi interrogeait le portier, celui-ci risquerait de parler de la visite reçue le matin même par le rédacteur Volodia Kyseliov. Un garçon en treillis. Plutôt mauvais genre. Espérant ne pas avoir rougi, Volodia essaye de reconstituer la scène. II se voit débouchant dans le hall, se diriger vers Inokenti. Pourquoi l’a-t-il fait si théâtralement, en écartant les bras ? Pourquoi a-t-il prononcé à haute voix son nom : Inokenti ! Et cette accolade ! Ces tapes dans le dos. Il entend encore Inokenti lui dire «Je ne t’aurais pas reconnu.» Il se voit lui prendre le bras et sortir. Et cette lèche-botte de stagiaire qui leur tenait la porte. Encore un qui pourrait témoigner si l’inspecteur enquêtait au journal.
En attendant, un troisième renne vient de sauter la ligne.
- Désolé, Gennadi, je joue comme un loup ivre. Je n’y suis pas du tout. Tu me comprends, j’espère. Cette histoire me tracasse. »
On apprend bientôt que le JIPTO a joué un rôle important dans la vie de l’inspecteur :
« Avant de s’endormir, couché bien à plat sur le dos, l’inspecteur Gennadi a fait le point de ce qu’il appelle l’affaire Volodia. Ce journaliste bienveillant, paternel, riche d’une souriante expérience, qu’il avait, un jour déjà étrangement éloigné, rencontré autour d’un plateau de JIPTO Cela remontait à l’époque où Gennadi venait d’achever ses études de littérature étrangère. Il découvrait le JIPTO et passait des heures à y jouer. Pour gagner de quoi survivre, il travaillait la nuit, dans un entrepôt de poisson. Emmitouflé, il chargeait sur des wagonnets des poissons raides comme des obus, empilés à l’infini le long d’un réseau de tunnels taillés dans le permafrost. Cette souterraine banquise, à l’éclairage imperturbable, au froid éternel, exerçait sur son esprit un effet anesthésiant. Quelques heures par jour, le JIPTO le maintenait en éveil.
Le journaliste avait pressenti le risque que ce mode de vie faisait peser sur l’avenir de son jeune partenaire. Il l’avait fait parler. De ses études, de son goût pour la littérature française et en particulier de l’admiration qui le portait à lire et à collectionner les livres de Georges Simenon. Après avoir consacré sa thèse au commissaire Maigret, Gennadi avait d’ailleurs commencé une traduction en sakha d’un des romans policiers de ce Belge dont Volodia n’avait jamais entendu parler. Pratique, le journaliste avait averti son cadet. Aucun avenir dans l’enseignement du français à Yakoutsk. Sans parler de la traduction. Et encore moins de la littérature. Mais, puisque le héros de ce Simenon était commissaire, pourquoi pas la police ?
En empilant ses poissons, Gennadi avait pesé plusieurs nuits la suggestion du journaliste. Une invitation à descendre du rêve dans la réalité. Mais quand Volodia lui avait finalement proposé de le recommander auprès d’un haut fonctionnaire de la police, Gennadi avait accepté. Dans ses moments de liberté, il pourrait toujours continuer sa traduction. Une fois devenu inspecteur, des occasions s’étaient présentées de rendre service au journaliste. Des renseignements. Des confirmations. Des mises en garde. De son côté, Volodia l’avait assisté dans sa carrière, en lui présentant l’un, le faisant valoir auprès d’un autre. »
Gennadi («Renne blanc») termine bien son enquête sur l’enlèvement mystérieux d’une fille du professeur Alexandrov. Il y a beaucoup de scènes de poursuite : sur la Magistrale qui joint Yakoutsk à la Transsibérienne, dans la taïga, sur le fleuve Léna avec les voitures, les bateaux et les hélicoptères.
Volodia (« Loup noir »), plongé dans une relation amoureuse impossible et dans des problèmes psychologiques difficiles, finit par se suicider.

L’autre roman de Marc-Alfred Pellerin Inokenti ( Albin Michel, 2004) est directement inspiré par le JIPTO. Rempli de scènes de poursuite et d’évasion, il rappelle un peu les aventures de Tarzan et d’autres œuvres sur des enfants adoptés dans les forêts par les animaux. L’histoire se déroule pendant la dure époque de Staline.
Dans une des premières scènes, Inokenti exilé dans le Grand Nord avec sa mère et ses frères, joue aux jeux de poursuite sur le bord de l’Océan Arctique.
« Soudain, Inokenti se lève. Il vient de penser au fils Ligatchev. En trois bonds sautillants, quittant la grève humide, il monte sur le banc de sable. Un mètre peut-être au dessus du niveau de la mer. De là, il voit tout. Quatre de ses frères, égrenés par rang de taille, courant vers le bivouac. Derrière, le fils Ligatchev, plus âgé, plus grand, courant beaucoup plus vite. Rejoignant le dernier, lui flanquant, sans même ralentir, un grand coup du plat de la main sur la nuque. Le frère tombe à genoux. Inokenti sait qu’il a mal. Qu’il serre les lèvres pour ne pas pleurer. Courant toujours, le fils Ligatchev n’est plus qu’à deux foulées d’un autre frère. Il est en train de venger l’injustice dont ses parents lui répètent qu’ils ont été victimes. Si des Ligatchev, russes de pères en fils, consciencieux fonctionnaires, ont été envoyés ici par erreur, les autres déportés, fascistes et yakoutes sont, eux, de vrais éléments antisociaux. Qui n’en baveront jamais trop.Cahotant sur ses petites jambes, Inokenti se lance aussi vite qu’il peut vers le bivouac. Se mettre sous la protection du frère aîné. Que le fils Ligatchev, depuis un saignant corps à corps, n’ose plus approcher. Mais l’aîné les a avertis. Hors du bivouac, qu’ils se débrouillent. Le loup ne peut pas être après chaque louveteau. Inokenti court donc, se rapproche du bivouac mais aussi de ses deux derniers frères encore en fuite et du fils Ligatchev qui les poursuit, le bras déjà levé sur sa prochaine victime.D’instinct, sans l’avoir pensé, Inokenti dévie sa route. Il ne court plus droit au but. Il écarte sa course de celle du dernier de ses frères que le fils Ligatchev poursuit encore. Bouche grande ouverte, haletant, galopant irrégulièrement, Inokenti, au lieu de foncer au bivouac, va l’éviter, le dépasser, le mettre entre lui et leur poursuivant. Le fils Ligatchev devine la manœuvre, infléchit sa course. Il va très vite. Inokenti n’a aucune chance. Mais il en donne une à son frère qui reprend du terrain. Du bord de l’eau où se déroule la pesée du poisson, l’aîné de la famille observe la fuite de ses frères, la manœuvre d’Inokenti. A genoux sur le sable, une main à leurs nuques douloureuse, les trois frères déjà battus suivent avec un espoir étonné la course soudain hésitante de leur tourmenteur. Ils l’ont vu se détourner pour ne pas laisser Inokenti s’échapper. Puis revenir sur son autre proie. Trop tard. Le frère fuyard, soudain fou d’espoir et de fierté, a déjà trop d’avance.
La mère, absente aux jeux des enfants, accroupie tête penchée, raccommode les mailles du filet déplié tout autour d’elle. Entre ses lèvres gercées, une arrête d’esturgeon qu’elle utilise pour desserrer les nœuds. Intimidé, le fils Ligatchev n’ose pas approcher. Toujours courant, il contourne le bivouac. Il va couper la route d’Inokenti qui trottine désespérément, droit vers le feu, protection sacrée. Le fils Ligatchev court bras en tenailles, mains ouvertes, comme on le fait pour prendre un renne qui fuit au moment d’être attelé. Ce morveux-là, au moins, ne lui échappera pas. Terrorisé, le gamin trébuche, roule au sol. Le grand Ligatchev a juste le réflexe de l’éviter pour ne pas se prendre les pieds dans le petit corps roulé en boule. Mais aussitôt il s’arrête en fichant ses talons dans le sable, pivote, revient sur Inokenti. Flairant que cet avorton est plus dangereux à terre que debout, il se méfie d’un coup de pied. Mais ce sont deux poignées de sable qui lui incendient les yeux. Et Inokenti en profite pour se remettre à trotter vers le bivouac. Le fils Ligatchev a fait demi-tour. D’un pas incertain, se frottant les yeux, il s’éloigne. Arrivé au chenal, il fait quelques pas dans la mer, se baisse prend de l’eau dans ses mains en coupe, rince longuement ses yeux et ses paupières douloureusement ensablés. »
Ces jeux par leur cruauté soulignent les relations compliquées entre les différentes catégories des exilés (russes, polonais, lithuaniens, sakhas, etc.) et rendent le récit plus dynamique. Après une catastrophe naturelle, rescapé, il est emmené à la « Base 124 » :
« Un récit se dégage. Il est question d’un orage. Sans tonnerre. Sans nuage. Sans vent. Arrêté soudain, comme il avait commencé. Et puis la foudre tombée sur un banc de sable. Y laissant un trou et, au bord du trou, un enfant inanimé. Un yakoute. Que la baleinière a évacué. Le gosse de l’infirmerie.Ensuite, l’océan était redevenu si calme qu’on ne lui prêtait pas plus attention qu’au ciel absolument serein. Et c’est pourquoi personne n’a vu, en plein après-midi, arriver la vague, ou les vagues; certains diront trois, d’autre sept. Quand l’océan déferla dans un énorme fracas, il était trop tard pour fuir. En quelques secondes, une effrayante plaque liquide submergea les bancs de sable, la plage. Dans son élan, elle franchit les dunes, noya la toundra, projetant pêle-mêle morts et blessés. »
Inokenti passe un long hiver en compagnie d’un médecin polonais, d’un exilé lithuanien, du commandant de cette base, il commence à jouer au jeu avec un « poursuivant » et cinq « fugitifs », representés par les petits galets. Ces trois personnages si divers, devenus ces amis, vont mourir de maladie ou d’accident.
Inokenti décide de s’évader et de fuir vers la Yakoutie Centrale, son pays natal. Sa longue route à travers la toundra et la taïga donne libre cours à l’imagination de l’écrivain, grand connaisseur de la nature, car Pellerin a été forestier dans sa jeunesse, puis a effectué beaucoup de voyages des Andes à l’Océan Arctique. Les aventures d’Inokenti sont extraordinaires : l’amitié avec des animaux sauvages, le gigantesque incendie de taïga, la rencontre avec une petite tribu de nomades délibérément coupée des autres hommes depuis des générations, etc. Le garçon ne se sépare jamais, en aucune circonstance de son jeu qui lui suggère parfois des solutions salvatrices dans les situations difficiles.
Finalement, Inokenti est capturé :
« Bien des jours et bien des nuits plus tard, il sera surpris, désarmé et capturé dans son sommeil par des evenks appartenant à un sovkhoze d’éleveurs. Ils le poursuivaient à son insu depuis il qu’avait abattu et dépecé un faon de leur troupeau. Il ne comprend pas leur langue. Ne répond pas à leurs questions. On le convoie, pieds nus, en loques, ligoté sur un renne, jusqu’à un village, au bord d’un fleuve encore gelé. Aucun des trois miliciens russes du poste ne comprend la langue evenk. Ils congédient les sovkhoziens. Le plus jeune des miliciens interroge l’enfant qui reste muet. Le plus vieux écrit sur un cahier que le délinquant a refusé de répondre à leurs questions. Le troisième emballe le pistolet, le ceinturon, les balles, le coutelas et six figurines de bois dans un morceau de papier huilé brun qui sent le rance. On conduit l’enfant dans une cabane sans fenêtre. On lui donne une portion de viande de renne fumée, une gamelle d’eau et on l’enferme. »
Bientôt il devient le « prisonnier N°162 » d’un camp, non loin de la Yakoutie Centrale. Son jeu devient rapidement populaire parmi les autres prisonniers et finit par intéresser le commandant du camp, grand amateur des Echecs. Le roman se termine par un tournoi qui rend à Inokenti sa liberté :
« Le commandant accueille debout Inokenti, le salue de la tête, lui fait signe de s’asseoir, s’assied à son tour. Désignant les cinq pions à têtes nues, le commandant veut savoir comment les nommer. Inokenti répond en yakoute que ce sont les évadés. Le commandant lève les yeux. Il a peut-être compris. L’interprète traduit littéralement. Un mensonge serait alors plus risqué que la vérité. Alentour, on chuchote de rang en rang. Le commandant a tendu les évadés à Inokenti. Lui-même dispose la figure à casquette trop large au centre de sa ligne de fond. Du 162, le commandant ne voit qu’un crâne tondu piqueté d’une repousse drue, d’un noir luisant. L’interprète précise que le jeu se joue en six manches. Sept s’il y a égalité.
C’est une règle qu’il vient d’inventer. Car Inokenti a toujours joué et gagné jusqu’à ce que son adversaire renonce. Le commandant demande au 162 quel est son prénom. Et quel présent demanderait l’enfant s’il battait le commandant ? Sortir du camp, répond Inokenti. Cette fois, pas besoin de traduire. Le commandant a compris. Déja les cinq détenus en bois de bouleau poussés par Inokenti se lancent vers la liberté. Il leur faut tourner le gardien à casquette, tromper sa poursuite. Deux fois plus gros qu’eux, il se déplace deux fois plus vite. Mais ce sont les frères d’Inokenti qui galopent sur le sable pour échapper au grand Ligatchev. Et c’est lui, le plus petit, qui détourne la brute, l’écarte de ses frères.
Ayant laissé s’échapper trois des cinq détenus, le commandant relève la tête, ne voit que le haut du crâne de son petit adversaire. Et c’est à son tour de jouer les évadés. De se faire manœuvrer, tourner, de perdre encore. Est-ce que ce jeu serait moins simple qu’il ne lui a paru ? Ou cet enfant, exceptionnellement habile et réfléchi ? Il n’y aura pas besoin de sept manches ni même de cinq ou de quatre. D’affilée, Inokenti a gagné trois fois.
Le commandant a tenu parole. Il a confié lui-même l’enfant sans patronyme à l’institutrice du village de pêcheurs. »
Nous voyons que dans les romans de Marc-Alfred Pellerin le JIPTO est utilisé avec un grand art pour les descriptions des caractères des personnages, de leurs sentiments, pensées et buts. Les deux romans que nous avons analysés sont très différents. Dans le premier il y a beaucoup de personnages : jeune et belle fille du marché, un député, un journaliste américain, les membres des mafias russe et americaine, les scientifiques, les hommes d’affaires et même le Président de la Yakoutie. Les phrases sont courtes et nettes, il y a beaucoup de dialogues. Edourd Waintrop le commente dans les termes suivants :
« Le rythme qu’il arrive à donner à cette histoire, la façon dont il noue les destins de tous ses personnages font qu’on lit ce polar subpolaire comme on avale une vodka : d’un trait » (Libération, 16.11.2000).
Le deuxième roman contient de nombreuses descriptions des paysages dans les diverses saisons de l’année, le personnage principal est souvent seul ou en compagnie des animaux sauvages, il y a très peu de dialogues.
Notons que la composition du JIPTO « Poursuivant » (© G. Tomski, 1988-1992) m’a inspiré d’écrire le roman historique Les amis d’Attila [ JIPTO International, Yakoutsk, 2001; Paris, 2002] et du scénario d’après ce roman [Tomski G. Attila : Scénario et dialogues, JIPTO International / Agora Medias, 2002].
Ainsi, étant un jeu de poursuite, le JIPTO s’intègre parfaitement dans des œuvres de genres très différents, rend le récit plus vif et aide leur auteur à exprimer et à décrire d’une nouvelle façon des nuances psychologiques fines, fournit des comparaisons inhabituelles.
Le JIPTO a stimulé de façon efficace la créativité de son auteur qui est devenu artiste, écrivain et scénariste tout en continuant ses recherches scientifiques. Cette créativité professionnelle nous donne plus de légitimité pour travailler avec les enfants surdoués et facilite l’utilisation du JIPTO dans l’éducation. Comme les médecins qui testent les médicaments sur eux-mêmes, nous pouvons recommander le Système JIP aux autres car il a été efficace pour nous-même.

Nouvelle extension de la géométrie classique

© Grigori TOMSKI, 2005

On sait que la théorie des jeux a d’abord été l’étude des jeux de société. L’ensemble des propositions géométriques sur le JIPTO ( [1-2] et des autres jeux de poursuite présente une extension intéressante de la géométrie classique [3]. La découverte de l’existence d’un domaine de recherches mathématiques à la portée des élèves des lycées et des collèges à l’époque de la très grande professionnalisation des recherches mathématiques est inattendue et doit être intéressante pour tous les spécialistes de l’enseignement et de la vulgarisation des mathématiques.
Rappelons que les trois principaux postulats de la géométrie d’Euclide décrivant l’utilisation d’une règle et du compas idéaux:
1. De tout point à tout autre point, on peut tracer un segment de droite avec ces points comme extrémités.
2. Tout segment de droite peut être prolongé indéfiniment et continûment.
3. Etant donné un point, on peut décrire un cercle de rayon quelconque avec comme centre ce point.
Pour Euclide les segments et les cercles constituent ainsi des objets de base, il introduit ensuite et étudie des figures rectilignes contenues par des lignes brisées, composées des segments : triangles, quadrilatères et multilatères ; ainsi que des cercles tangents et qui se coupent.

Dans la géométrie de la poursuite, on étudie les trajectoires des «poursuivants» et des «fugitifs» qui sont des lignes brisées ou des enchaînement de plusieurs cercles tangents.
On définie en termes géométriques les stratégies ce qui constituent la particularité de la géométrie de la poursuite. Par exemple, les différentes stratégies du «poursuivant» P décrivent les règles de construction (avec une règle et un compas idéaux) de la trajectoire de P en fonction du déroulement de la construction de la trajectoire du «fugitif» (ou des «fugitifs» et, éventuellement, des autres «poursuivants», s’ils existent).
Ainsi dans la géométrie élémentaire de la poursuite, nous considérons les trajectoires qui sont, en fait, des objets de géométrie classiques : les lignes brisées, les enchaînements des cercles tangents, etc. Mais nous ajoutons aux transformations et relations de la géométrie classique (rotation, similitude, etc.) l’infinité des transformations et des relations, générées par les différentes stratégies. Ces stratégies sont les algorithmes définis en termes géométriques.
On évalue ensuite les résultats garantis par les stratégies étudiées d’après les différents critères. Par exemple, dans les jeux de capture rapide, on compare les longueurs des trajectoires du «poursuivant» jusqu’au moment de la capture. Dans les jeux avec la «ligne de la vie», on vérifie si toutes les trajectoires du «fugitif» , correspondantes à sa stratégie étudiée, atteignent cette ligne. Cela constitue un gisement abondant de nouveaux sujets de recherches géométriques.
Ces recherches peuvent être effectuées même sans aucune connaissance des autres domaines des mathématiques sauf la géométrie élémentaire classique.
En effet, notre livre [3] montre bien qu’il suffit de connaître les éléments de la géométrie élémentaire classique pour commencer au collège ou au lycée de vraies recherches mathématiques ce qui doit être intéressant pour tous les enfants doués en mathématiques, leurs parents et enseignants. C’est pourquoi, pour ces enfants et pour tous les amateurs des mathématiques, nous avons formulé les problèmes de la théorie des JIPTO mathématiques :
Problème du «poursuivant». Trouver une stratégie du «poursuivant» qui lui garantit un résultat convenable.
Problème des «fugitifs». Trouver une stratégie des «fugitifs» qui leur garantit un résultat convenable.
Notons que, dans notre classement officiel, nous avons décrit 2480 versions principales du JIPTO.

L’initiation à la géométrie donne l’accès le plus facile à l’acquisition de la culture mathématique. Nous évaluons la culture mathématique chez un individu de la façon suivante :
Niveau initial : on commence à comprendre la notion de mathématisation;
Niveau moyen : on acquiert un savoir mathématique qui peut aller du savoir très élémentaire jusqu’à la connaissance des théories mathématiques complexes ;
Niveau supérieur : on est capable de créer du nouveau savoir mathématique.
Nos critères classent parmi les personnes avec la culture mathématique du niveau supérieur les grands mathématiciens de l’Antiquité.
On peut diviser le niveau moyen en quelques niveaux d’après les critères supplémentaires, par exemple, le critère de l’ingéniosité :
Le niveau moyen ordinaire : on sait résoudre des problèmes mathématiques qui ne réclament pas de l’ingéniosité ;
Le niveau moyen avancé : on est capable facilement de reproduire les démonstrations des théorèmes étudiés et de proposer des solutions ingénieuses à des problèmes déjà résolus par les autres.
On peut subdiviser chacun de ces deux niveaux d’après le critère du savoir mathématique acquis : le niveau moyen avancé de l’école élémentaire (du collège, du lycée, de l’université, ou par classe).
L’étude plus de la géométrie élémentaire permet d’accéder à la culture mathématique du niveau moyen. La modélisation mathématique des versions du JIPTO et l’initiation à la théorie géométrique de la poursuite donne de multiples possibilités d’apprendre à créer du nouveau savoir mathématique et d’accéder ainsi à la culture mathématique du niveau supérieur.

Références

G.Tomski, JIPTO : 1001 jeux pour tous, JIPTO international, 2002.
G.Tomski, Art du JIPTO, Editions du JIPTO, 2002.
G.Tomski, Géométrie élémentaire de la poursuite, Editions du JIPTO, 2004.